Zappa '88: The Last U.S. Show (2021)

Zappa '88: The Last U.S. Show

CD1

1 - ‘‘We Are Doing Voter Registration Here’’ 6:59
2 - The Black Page 7:12
3 - I Ain’t Got No Heart 1:59
4 - Love Of My Life 2:13
5 - Inca Roads 8:44
6 - Sharleena 6:22
7 - Who Needs The Peace Corps ? 2:28
8 - I Left My Heart In San Francisco 00:34
9 - Dickie’s Such An Asshole 6:00
10 - When The Lie's So Big 3:38
11 - Jesus Thinks You’re A Jerk 8:46
12 - Sofa #1 2:44
13 - One Man, One Vote 2:37
14 - Happy Birthday, Chad ! 1:24
15 - Packard Goose Pt. I 2:55
16 - Royal March From "L'Histoire Du Soldat" 1:16
17 - Theme From The Bartok Piano Concerto #3 1:19
18 - Packard Goose Pt. II 2:03
19 - The Torture Never Stops Pt. I 5:08
20 - Theme From "Bonanza" 00:36

CD2

1 - Lonesome Cowboy Burt 4:58
2 - The Torture Never Stops Pt. II 7:29
3 - City Of Tiny Lites 9:20
4 - Pound For A Brown 10:55
5 - The Beatles Medley 9:18
6 - Peaches En Regalia 3:35
7 - Stairway To Heaven 9:59
8 - I Am The Walrus 3:36
9 - Whipping Post 6:17
10 - Bolero 5:29
11 - America The Beautiful 3:57

Avec ses 31 morceaux en live, Zappa tirait sa révérence et quittait la scène en 1988. Fatigué par la maladie, il finira néanmoins par partir en tournée mais celle-ci sera interrompue au bout de quelques dates.
Le groupe est dissous et Zappa perd la bagatelle de plusieurs centaines de milliers de dollars. Il donnera encore des concerts en Europe de l'est mais clairement pour lui, les lives en US, c'est terminé.
Pourtant ce témoignage sonore capté en grande partie le 25 mars 1988 compte de nombreux morceaux de bravoure que nous allons disséquer en suivant.

CD1

L'ouverture se fait de manière tranquille au son de "‘‘We Are Doing Voter Registration Here’", un jazz cool de bar lounge. Zappa encourage les gens à aller voter en faveur de la démocratie et pour ce faire, passe son micro dans le public pour reccueillir les réactions. Etrange ouverture qui donne le ton très politisé et engagé du concert. Un politique vient même faire un speech pour inciter le public à s'inscrire sur les listes à l'entracte.

Ensuite, on entre plus dans le vif du sujet avec "The Black Page" qualifiée de "new-age" sur les crédits de pochette.
Tiré de "Make a Jazz Noise Here" qui paraitra en 1991, la partoche très compliquée prend de belles couleurs sur la scène du Nassau Coliseum. Zappa en profite pour présenter les musiciens.
Fait assez rare, Zappa exhume "I Ain’t Got No Heart" du premier album "Freak Out" pour un instant conquérant et grandiloquent. Extrait de "Cruising with Ruben & the Jets", "Love Of My Life" est une bluette années 50 chères au Zappa.
Fabuleux titre, "Inca Roads" inonde les plages de ce disque comme il avait déjà pu le faire la même année sur "You Can't Do That On Stage Anymore Vol.2" et sur "A token of his extreme" enregistré en 1974 mais publié qu'en 2013.
D'une complexité incroyable, ce morceau louche ostensiblement vers le jazz mais garde la folie zappaïenne qui couve, dans chaque facette d'un bijou façonné par des orfèvres en la matière.
En mode reggae fumette, "Sharleena" sort tout droit de "Chunga's Revenge" couché sur vinyle 18 ans auparavant. Tempo lent et solo compliqué viennent soutenir ce titre au soleil pénétrant. Retour en 1968 avec un extrait de "We're Only in It for the Money", "Who Needs The Peace Corps ?" qui parvient à concentrer une multitude d'influences en seulement 2 minutes et demi. Latino, pop puis enfin reggae pour un final... tout à fait quelconque.
Tout petit trait crooner burlesque sur "I Left My Heart In San Francisco" issu de "The Best Band You Never Heard in Your Life" puis "Dickie’s Such An Asshole", jazz lent de cocktail à la nonchalance séduisante. Frank se fend d'un joli solo liquide avec un son très détendu lui aussi. Pour rappel, ce titre est issu des sessions de "Broadway the Hard Way" paru quelques mois après ce concert de New-York. Dans le même ordre d'idée de revue à Broadway, et dans la même classe sonore, le groupe envoie "When The Lie's So Big" sorti aussi de "Broadway the Hard Way".

Toujours dans un esprit cabaret, "Jesus Thinks You’re A Jerk" force le trait à grands renforts de valses, de pop et de jazz, en fustigeant le pouvoir alors en place. Le tout émaillé de pépiements d'oiseaux, d'autres bruitages divers et de références multiples. La musique suit ce grand délire sur près de 9 minutes, s'adaptant aux circonstances et au discours.
A retrouver sur "Zappa in New York", le sympathique instrumental "Sofa #1" propulse le saxophone en première ligne pour une mélodie soyeuse façon générique de téléfilm américain. Tout habillé d'électro, "One Man, One Vote" sort de "Frank Zappa Meets the Mothers of Prevention" et provoque un mélange des genres un peu foutraque. En fait, ce petit morceau représente plus un interlude dans le concert qu'autre chose.

Le groupe entonne la petite chanson d'anniversaire de circonstance sur "Happy Birthday, Chad !" puis embraye sur "Packard Goose Pt. I" à retrouver sur "Joe's Garage" presque 10 ans auparavant. Le final, très sentencieux, glisse vers le court "Royal March From "L'Histoire Du Soldat"", intermède circassien, puis un autre court-métrage avec du classique "Theme From The Bartok Piano Concerto #3".
Enfin, nous terminons la boucle avec la seconde partie de "Packard Goose Pt. II".
Inauguré en 1975 sur "Zoot Allures", le jazz cuivré de "The Torture Never Stops Pt. I" connait une nouvelle jeunesse 13 ans plus tard, après avoir figuré sur la quasi-totalité des lives du moustachu. Inventive et toujours décalée, cette chanson mériterait une compilation de toutes les versions lives à elle seule.

Terminons ce premier tome avec le générique de "Bonanza", histoire de rendre cette chronique moins cavalière.

CD2

Le début de ce disque 2 reprend les choses laissées en l'état à la fin du disque 1. Cow-boy un jour, cow-boy toujours. "Lonesome Cowboy Burt" tiré de "200 Motels" 17 ans plus tôt fait perdurer le mythe. L'ironie cachée derrière la country, ni plus ni moins. Ensuite, "The Torture Never Stops Pt. II" reprend pour plus de 7 minutes supplémentaires. La reprise se fait juste au moment du solo. Son liquide, flanger à fond les manettes, Zappa s'est construit une sonorité personnelle, proche de la parole. La reprise du chant ne se fera qu'à l'aube de la 6 ème minute pour enfin en terminer.

Tiré de "Sheik Yerbouti" presque 10 ans plus tôt, l'effréné "City Of Tiny Lites" passe de 5 minutes et demi en version studio à plus de 9 minutes en live. Le solo typiquement rock devient déraisonnable à souhait quand il s'étire dans des proportions hors de propos. Très beau moment rock.
Longue déclinaison dont on trouve l'amorce sur "Uncle Meat", "Pound For A Brown" est une superbe pièce jazz instrumentale que l'on va suivre avec un plaisir grandissant. De la mise en place en passant par le chorus des différents cuivres, du clavier, et des percussions, le titre prend son envol très haut au dessus de la mêlée. Le chorus de guitare final fait le lien avec la plage d'après, "The Beatles Medley" où l'on pourra reconnaitre par exemple "Lucy in the sky with diamonds" et "Strawberries fields forever". A signaler que les paroles originales des quatre garçons dans le vent ont été modifiées pour l'occasion.

Morceau d'ouverture de "Hot Rats", "Peaches En Regalia" conserve tout son côté pop déjanté en multipliant les tendances et les influences. A la fin, dernier mot du set, "Peaches En Regalia" laisse sa place à "Stairway To Heaven", déjà repris sur "The Best Band You Never Heard in Your Life". Cette version-là opère une surenchère dans les bruitages de tous styles, destinés à faire rire le public. La section de cuivres qui rejoint le solo de guitare est une véritable bonne idée. Jimmy Page aurait apprécié l'initiative...

Retour aux Beatles avec une reprise de "I Am The Walrus" presque sur le trait puis "Whipping Post", reprise des Allmann Brothers. Ce titre figure aussi sur "Them or Us" et sur "Does Humor Belong in Music ?". Très bien envoyé, avec la section de cuivres qui cingle les fins de phrases et la guitare de Zappa prise de folie, le morceau atteint des sommets rock insoupçonnés. Très bon moment avant les titres de clôture.

Pour finir, "Bolero" offre quelques variations sur la partition de Ravel avec le saxophone et la trompette en maîtres de cérémonie.
Jazz, blues et gospel pour terminer ce dyptique en beauté. "America The Beautiful" que l'on retrouvera 28 ans plus tard sur "Frank Zappa for President" referme brillamment ces séances live.

De très beaux moments dans cette série de concerts. La fatigue ressentie par Zappa ne se perçoit pas tout au long de cette trentaine de titres.

Un bel objet à écouter et à partager.