ZAPPA ’75: Zagreb/Ljubljana (2022)

ZAPPA ’75: Zagreb/Ljubljana

Disque 1

1 - "Managua" 2:11
2 - Stink-Foot 8:44
3 - The Poodle Lecture 2:57
4 - Dirty Love 3:29
5 - How Could I Be Such A Fool 4:35
6 - I Ain’t Got No Heart 2:39
7 - I’m Not Satisfied 1:58
8 - Black Napkins 9:33
9 - Advance Romance 9:35
10 - Honey, Don’t You Want A Man Like Me ? 3:42
11 - The Illinois Enema Bandit 8:11
12 - Carolina Hard-Core Ecstasy 5:13
13 - Lonely Little Girl 2:38
14 - Take Your Clothes Off When You Dance 2:03
15 - What’s The Ugliest Part Of Your Body ? 1:06
16 - Chunga’s Revenge 19:23

Disque 2

1 - Terry’s Zagreb Solo 5:40
2 - Zoot Allures 7:31
3 - Filthy Habits (Prototype) 3:54
4 - Camarillo Brillo 3:37
5 - Muffin Man 5:29
6 - I’m The Slime 6:08
7 - San Ber’dino 6:40
8 - Wind Up Workin’ In A Gas Station 5:04
9 - Terry’s Ljubljana Solo 6:23
10 - Zoot Allures 7:04

Le contenu de la malle "The Vault", où les héritiers de Zappa (son fils Dweezil en l'occurence) viennent puiser des raretés live semble sans fond.
Cette nouvelle parution sous la forme d'un double CD compilant 26 titres est intéressante pour au moins 2 raisons.
La première, c'est qu'un concert en Yougoslavie en 1975 n'avait rien d'anodin quand on se rappelle le pouvoir didactorial en place à l'époque.
La chance de jouer pour un groupe venu des Etats-Unis était quasi nulle.
Zappa n'y joua qu'une seule fois.

La seconde, c'est que la formation qui officie sur ce live n'avait jamais eu l'occasion de se retrouver sur un disque.

- Napoleon MURPHY-BROCK : chant, sax ténor
- André LEWIS : claviers, chant
- Norma BELL : saxo alto et soprano, chant
- Roy ESTRADA : basse, chant
- Terry BOZZIO : batterie

Et bien sûr notre moustachu qui fera rugir sa guitare le 21 et 22 novembre 1975, respectivement à Zagreb et Ljubljana.

Attaquons tout de suite le premier volume.

CD 1

Démarrage avec "Managua" sorte de solo de batterie suivi d'un simili-reggae sur lequel Napoleon beugle "Managua" façon muezzin. Puis, une voix, (celle de Zappa) compte jusqu'à 4 et envoie le début du live de Zagreb le 21 novembre 1975 avec "Stink-Foot", sorti tout frais de "Apostrophe" paru l'année précédente en 1974. Le blues de "Stink-Foot" sert aussi de prétexte pour présenter les musiciens et dire bonjour au public de Zagreb. Les trois dernières minutes sont consacrées à un long solo du moustachu.

Vient ensuite la longue litanie "The Poodle Lecture", à nouveau immortalisée sur sillon en 1992 sur "You Can't Do That on Stage Anymore, Vol. 6" puis "Dirty Love" à écouter d'urgence sur "Over-Nite Sensation". Cette petite chose très groovy va vous dégourdir les zygomatiques et muscler les hanches. Avec une durée relativement courte de chanson, Zappa parvient à glisser un petit solo de fort belle facture.

"How Could I Be Such A Fool" joue la carte soul avec un titre issu du premier album "Freak Out !" et se trouve réhabilité ici assorti de plus de 2 minutes supplémentaires. On sent que le son n'a pas été très remanié à la légère saturation qui s'exerce sur les voix de Napoleon et de Norma à pleine puissance.

Issu du même album, "I Ain’t Got No Heart" fleure bon les sixties perdues. Un beau moment de rock mis en valeur par un final grandiose. Puis, Zappa finit de taper dans "Freak Out" avec le court et mouvementé "I’m Not Satisfied". Apaisement avec le jazz de "Black Napkins", emprunté à "Zoot Allures" à paraitre en 1976. Le saxophone de Napoleon MURPHY-BROCK entre en jeu dès le début pour laisser finalement sa place à la guitare du Zappa jusqu'à la fin. Pour faire mentir l'adage qui veut qu'un grand morceau ne peut pas être suivi d'un autre, le groupe envoie "Advance Romance" sorti de "Bongo Fury" publié la même année. Encore une fois, Zappa se livre aux libations habituelles. Le chant installe ce blues sur trois bonnes minutes avant de laisser la parole au saxophone, puis à la guitare du moustachu. Celui-ci enclenche la pédale wah-wah et envoie son solo. Napoléon reprend la parole sur les deux dernières minutes avant que le morceau s'enchaine avec "Honey, Don’t You Want A Man Like Me ?" qui atterrira sur "Zappa in New York" en 1978. Très théâtral, la chanson exploite tout le monde au chant, avec des voix qui se répondent dans une belle architecture d'ensemble.

Toujours sans transition, glissons vers "The Illinois Enema Bandit" où Zappa occupe l'espace pendant 2 minutes avec un laius à l'adresse du public de Zagreb.
Puis la chose entre en mouvement avec Napoleon MURPHY-BROCK en très grande forme vocale. Mais bien vite, la guitare de Zappa reprend le flambeau et distille un solo magique sur ce blues intemporel.

Puis le groupe enquille sur "Carolina Hard-Core Ecstasy" que l'on peut aussi trouver sur "You Can't Do That on Stage Anymore, Vol. 4" en 1991. Morceau qui creuse la thématique d'une relation sado-maso avec une certaine Caroline et qui ne vaut surtout que pour son court solo.
Avant d'attaquer la grosse pièce d'artillerie de fin de premier volume, laissons-nous happer par quelques petites choses de courte durée.

Tout d'abord "Lonely Little Girl", exhumé de "We're Only in It for the Money", troisième album du moustachu, et qui ne vaut que par son excellentissime chorus de guitare. Ensuite, "Take Your Clothes Off When You Dance" vient apporter un peu de soleil avec son reggae ensoleillé puis "What’s The Ugliest Part Of Your Body ?" pour terminer la boucle sur une minute.

Reste le monument abrité par d'autres albums live du Zappa, "Chunga’s Revenge", qui culmine à près de 20 minutes.
La folie commence d'entrée de jeu avec une montée en puissance du saxo qui s'étire jusqu'à la 5ème minute. Ensuite, c'est le saxo soprano qui prend le relais, incarné par Norma BELL. Le clavier prend la suite mais curieusement en arrière-plan, laissant la guitare réglée en son clair occuper l'espace devant. Celle-ci prend d'ailleurs le dessus à l'aube de la 11ème minute. Le final se fait dans une ambiance presque religieuse avec un accord de clavier tenu tout du long. Le morceau s'interrompt brutalement, le temps de changer de CD.

CD 2

En ouverture, solo de batterie avec "Terry’s Zagreb Solo", aussi intéressant qu'un chorus de batterie peut l'être, puis quelque chose d'un peu plus consistant avec "Zoot Allures". Ode au calme et à la quiétude, "Zoot Allures" est toujours ce bain de jouvence où la guitare nous enveloppe complètement de ses ondes moelleuses. Pour mieux profiter de la chose, Zappa étire ce titre de 4 à 7 minutes, histoire de nous faire envisager la musique de manière plus sereine, au moins pour les décennies à venir. Sans aucune transition ni rupture suit "Filthy Habits", essai qui sera transformé sur "Sleep Dirt" quatre ans plus tard en 1979. Ce titre obscur, encore sur le métier, distille une ambiance mortifère pas forcément déplaisante. Jazz lent et complexe qui préfigure en partie la teneur des albums de la fin des années 70, dont "Sleep Dirt".

Puisé dans "Over-Nite Sensation", "Camarillo Brillo" brille par ses choeurs et sa facture mi-soul, mi-rock, et des petites choses parsemées ici et là, à la manière d'un puzzle très coloré. Toujours pas de rupture entre les morceaux avec une bascule qui se fait directement sur "Muffin Man". Très rock, le morceau donne aussi l'occasion à Zappa de remercier l'ensemble des participants à ce concert. Le titre est parcouru d'un frisson guitaristique émaillé d'un très beau solo du moustachu.
Applaudissements nourris en fin de morceau.

Avec une voix parfois noyée dans la réverb, Zappa nous chante "I’m The Slime", à la fois soul et drolatique. Solo de belle facture inclus. Le final se fait en poussant le saxophone dans les cordes. Beau moment plaisant.

Zappa teste ensuite "San Ber’dino", un joli blues rapide qui figure sur "One Size Fits All" paru aussi en 1975. Le final n'en finit pas de finir mais vaut largement qu'on lui prête une oreille attentive.
Encore un morceau sur le métier, "Wind Up Workin’ In A Gas Station", qui ouvrira "Zoot Allures" l'année suivante. Entièrement instrumental, ce bel exercice fait rugir les guitares à l'unisson dans une formule rock "tout guitare". Tous les effets y passent. Fuzz, wah-wah, overdrive...

La fin se profile à l'horizon. Nous avons encore droit à un solo du batteur Terry BOZZIO que les connaisseurs apprécieront sans doute. Ou pas.
Enfin, "Zoot Allures" commence de sa démarche trainante et nébuleuse. Basse, batterie, guitare, le minimum requis. Bien souvent, la section rythmique s'arrête, ou devient à peine perceptible, laissant la guitare suspendue dans les airs. Sur les nuages sonores qui s'effilochent et qui annoncent la fin, Zappa présente ses musiciens.

Belle expérience que cette escapade en Yougoslavie. On ressent l'envie de Zappa de faire découvrir sa musique à un public jusqu'ici inconnu.

En tous cas, on imagine bien le plaisir qu'à eu celui-ci à découvrir "en vrai" le travail du moustachu.