You Can't Do That on Stage Anymore, Vol. 6 (1992)

You Can't Do That on Stage Anymore vol 6 frank zappa

Disque 1

1 - The M.O.I. Anti-Smut Loyalty Oath 3:01
2 - The Poodle Lecture 5:02
3 - Dirty Love 2:39
4 - Magic Fingers 2:21
5 - The Madison Panty-Sniffing Festival 2:44
6 - Honey, Don't You Want a Man Like Me ? 4:02
7 - Father O'Blivion 2:21
8 - Is That Guy Kidding or What ? 4:02
9 - I'm So Cute 1:39
10 - White Person 2:07
11 - Lonely Person Devices 3:13
12 - Ms. Pinky 2:00
13 - Shove It Right In 6:45
14 - Wind up Workin' in a Gas Station 2:32
15 - Make a Sex Noise 3:11
16 - Tracy Is a Snob 3:52
17 - I Have Been in You 5:04
18 - Emperor of Ohio 1:31
19 - Dinah-Moe Humm 3:16
20 - He's So Gay 2:34
21 - Camarillo Brillo 3:09
22 - Muffin Man 2:24

Disque 2

1 - NYC Halloween Audience 0:46
2 - The Illinois Enema Bandit 8:05
3 - Thirteen 6:08
4 - Lobster Girl 2:20
5 - Black Napkins 5:21
6 - We're Turning Again 4:56
7 - Alien Orifice 4:16
8 - Catholic Girls 4:04
9 - Crew Slut 5:33
10 - Tryin' to Grow a Chin 3:33
11 - Take Your Clothes Off When You Dance 3:46
12 - Lisa's Life Story 3:06
13 - Lonesome Cowboy Nando 5:15
14 - 200 Motels Finale 3:43
15 - Strictly Genteel 6:56

Avec ce sixième et ultime volume de la série "You Can't Do That on Stage Anymore" on atteint le dessus du panier. Les chansons les plus provocantes et les plus barrées du moustachu sont là. Petites culottes, viol à la poire à lavement, poupées gonflables, Zappa fait assaut de mauvais goût dans le paillard et la débauche qui font cauchemarder les militants WASP américains.

Mais la durée de ce gros volume étant ce qu'elle est (2h17 mn), abrégeons cette phase de présentation pour éplucher ce fruit bien mûr.

Pendant l'introduction "The M.O.I. Anti-Smut Loyalty Oath", Zappa confirme qu'il ne montrera pas son zizi sur scène ce qui en soit est déjà une bonne chose. Le blues de "The Poodle Lecture" allonge un pas trainant. Zappa y installe une longue palabre solitaire (peut-être issue du gros bouquin "Frank Zappa's Negative Dialectics Of Poodle Play") écrit par Ben Watson. L'instant semble suspendu et ne basculera qu'au début de "Dirty Love", sorte de pop rock très rapide au solo de guitare hyper efficace. Toujours très pop seventies, la très agréable "Magic Fingers" suit l'ensemble avec une certaine dispersion en fin de parcours.
"The Madison Panty-Sniffing Festival" consiste en deux accords qui tournent en boucle. L'occasion pour Zappa de nous parler d'un sujet qui le préoccupe beaucoup, le lancer de petites culottes envoyées par la frange féminine du public.
Tout ceci n'a pas beaucoup d'importance en regard du génial "Honey, Don't You Want a Man Like Me ?", joyeux foutoir organisé au cordeau, tableau ironico-gothique brossé au vitriol. "Father O'Blivion" permet de cultiver l'attente avec une explication de texte du professeur Zappa.
"Is That Guy Kidding or What ?" est un long monologue où Zappa fait tomber le rock de son piédestal. Pour s'aider dans sa démonstration, il fait appel à Peter Frampton et son album "I'm in you". Zappa rétorquera avec "I Have Been in You" que l'on entendra un peu plus loin.

Un peu de punk avant l'heure avec "I'm So Cute", rapide et crétin par moments puis c'est au tour de "White Person" de jeter ses nuages psyché, (des voix serties d'effets) en intro de "Lonely Person Devices", une histoire de poupées gonflables qui fait bien rire le public sur un léger accompagnement musical succinct. "Ms. Pinky", en culture pop, défile rapidement pour rejoindre le plus ambitieux "Shove It Right In". Curieux titre à tiroirs qui sonne résolument fin sixties. Même si l'ensemble reste bien barré, il se suit néanmoins avec plaisir. Avec "Wind up Workin' in a Gas Station", Zappa aborde un style peu courant dans son répertoire, la soul. Court mais efficace, le morceau tient en haleine de bout en bout.
Grand moment de stand-up, "Make a Sex Noise" n'est qu'un prétexte pour inviter des femmes sur scène à imiter un orgasme pour faire rire l'assistance. Rien à attendre côté musique de ce morceau-là. Avec quelques gémissements très explicites, à la manière d'un "Love on the Beat" gainsbourien, "Tracy Is a Snob" est le terrain de prédilection des claviers de Bianca Thornton qui en usera jusqu'à la lie dans des sonorités aujourd'hui un poil datées dans un instrumental à la mine conquérante.
Parodiant le "I'm in you" de Peter Frampton, il compose la ballade "I Have Been in You" pour dire tout ce que le rock a de futile. Moelleuse et luxueuse, cette ballade est aussi l'occasion pour Zappa de faire la morale à son public. Derniers brefs gémissements orgasmiques sur "Emperor of Ohio" puis "Dinah-Moe Humm" en version pop et enlevée. "He's So Gay" suit un parcours sixties avec choeurs doo-wop du plus bel effet. Joli morceau pop agréable, "Camarillo Brillo" précède le dernier titre de cette première rondelle, "Muffin Man" un bon gros rock avec solo métal en prime.

Reprise des hostilités avec "NYC Halloween Audience" sous vos applaudissements avant d'enchainer sur "The Illinois Enema Bandit", un blues rapeux. Sévèrement burné, celui-ci bénéficie de la présence de tout le monde. Le clou de ces huit minutes reste le solo jazz fusion du sieur Zappa visiblement en forme olympique.
Zappa devient sérieux sur "Thirteen". Professoral, il explique que le morceau est construit sur une rythmique atypique : du treize temps avec mélange de 5/4 et de 4/4. L'autre violoniste du groupe, Lakshminarayana Shankar, (le premier étant Jean-Luc Ponty) part en solo, porté par cette rythmique improbable. Dans un accompagnement dépassant le dépouillement, Zappa ponctue le titre de son propre solo. Un joli moment de suspension dans le temps, qui change un peu des histoires de quéquettes habituelles.

"Lobster Girl" se dédie à la basse, qui exécute un solo ronronnant puis la voix grognante qui accompagne l'ensemble sur la fin continue de vociférer, mais pas longtemps, sur le jazz cool de "Black Napkins". Napoleon Murphy Brock envoie le meilleur de lui-même dans un solo brillant relayé par la guitare du moustachu. Bel exercice instrumental qui tranche avec le reste. Pleine de soleil "We're Turning Again" inonde les sillons avec sa bonne humeur qui sied bien à celle de Zappa à l'instant présent. Bourrée de clins d'oeil et de références musicales, ce morceau est une douche fraiche à prendre sur place. Rutilant, "Alien Orifice" est une superbe démonstration jazz aux arcanes complexes et abouties. Sans nul doute, un des meilleurs moments instrumentaux de cette seconde galette. "Catholic Girls" change la donne avec un refrain crétin à souhait puis "Crew Slut" en remet une couche sur la dépravation des groupes de rock avec une vie de tournée mouvementée. Rock soutenu exhumé de "Sheik Yerbouti", "Tryin' to Grow a Chin" envoie un peu de bois vert histoire de tousser un peu lors de sa combustion.

Extrait de son troisième album ("We're Only in It for the Money"), l'instrumental "Take Your Clothes Off When You Dance", mélange de violon et d'orgue Hammond en liberté poursuit un objectif bucolique avec un titre très vert et plaisant. Après cette bouffée d'air pur, Zappa enquille "Lisa's Life Story" avec Bianca Thornton au chant sur fond d'opéra burlesque et de soul déglinguée. La même commettra "Wind Up Workin' in a Gas Station" sur "Zoot Allures".
Un peu de country avec "Lonesome Cowboy Nando". La démarche tient plus de Henri Salvador que d'Emmylou Harris, mais le morceau est bourré de coups de théâtres et de surprises qui le rendent sympathique. Le rythm'n blues de "200 Motels Finale" est un petit régal sucré à déguster d'urgence, prélude au dernier titre "Strictly Genteel". Cet instrumental luxueux met les petits plats dans les grands et sort l'argenterie. Mélange de rock, de jazz et de tout un tas d'autres secrets, ce titre referme admirablement ce grand livre d'images sonores.

Avec ce sixième volume, la grande saga "You Can't Do That on Stage Anymore" se referme. Cette énorme somme très éclectique doit figurer impérativement dans la discothèque du fan de Zappa. Le moustachu nous offre une belle sélection de son savoir-faire et de sa relation au public qu'il cultivait sans en avoir l'air.