Waka/Wazoo (2022)
Disque 1
1 - Your Mouth (Take 1) 5:282 - Big Swifty (Alternate Take) 15:11
3 - Minimal Art (Eat That Question - Version 1, Take 2) 10:28
4 - Blessed Relief (Outtake Version) 10:19
5 - Think It Over (Outtake Version) 11:23
6 - For Calvin (And His Next Two Hitch-Hikers) (Outtake Version) 8:10
7 - Waka/Jawaka (Outtake Version) 13:41
8 - Cletus Awreetus-Awrightus (Alternate Take) 2:51
9 - Eat That Question (Version 2, Alternate Take) 11:08
Disque 2
1 - Big Swifty (Alternate Mix) 14:522 - For Calvin (And His Next Two Hitch-Hikers) (Alternate Mix) 6:29
3 - It Just Might Be A One-Shot Deal (Alternate Mix) 4:18
4 - Waka/Jawaka (Alternate Mix) 15:53
5 - Cletus Awreetus-Awrightus (Alternate Mix) 2:57
6 - Eat That Question (Alternate Mix) 5:43
Disque 3
1 - For Love (I Come Your Friend) (George Duke Demo) 4:562 - Psychosomatic Dung (George Duke Demo) 5:12
3 - Uncle Remus (George Duke Demo - Instrumental) 3:57
4 - Love (George Duke Demo) 3:32
5 - For Love (I Come Your Friend) (George Duke Session Outtake - Basic Track, Take 1) 5:02
6 - Psychosomatic Dung (George Duke Session Outtake - Basic Track, Take 2) 2:51
7 - Love (George Duke Session Outtake - Basic Track, Take 1) 7:13
8 - Approximate (Live - FZ Record Plant Mix) 11:06
Disque 4
1 - Winterland '72 Opening and Band Introductions 4:472 - Little Dots 18:37
3 - America Drinks 6:06
4 - Montana 6:57
5 - Farther O’Blivion 15:02
6 - Cosmik Debris 8:11
7 - Chunga’s Revenge 18:04
Ce coffret de 4 albums réunit la matière de ce qui allait devenir 2 albums importants de la discographie de Zappa.
"Waka/Jawaka" et "The Grand Wazoo" sortis tous deux en 1972.
Il s'agit donc là de morceaux sur le métier (comme beaucoup aimeraient simplement en avoir sur leurs albums officiels...) sous forme de versions alternatives.
Le quatrième opus se charge de nous livrer des échantillons live en bonus, le dernier concert de la tournée de 10 musiciens enregistré au Winterland Ballroom
de San Francisco le 15 décembre 1972.
30 morceaux, 4 heures et 20 minutes de musique.
Disque 1
Commençons avec "Your Mouth (Take 1)" dont il s'agit de la première prise. Voix chauffées, piano qui tremblote, puis le blues démarre à deux voix. La fin
répétée à l'envi montre le travail qui se met en place. Mais une série de titres beaucoup plus fouillés nous attend.
Tout d'abord, un morceau que Zappa jouera jusqu'à la dernière tournée de 1988 "Big Swifty" dont le remaniement laisse sans voix. Cette prise alternative, loin
d'être un brouillon ou un simple essai, se révèle une pièce jazz de choix que l'on se repassera sûrement avec plaisir après une première écoute. Plus qu'une
simple démonstration, le titre installe un véritable univers. Guitare, clavier, trompette se partagent le devant de la scène. Accélération, décélération,
reprise du thème, l'histoire se raconte et déroule son propos avec brillance. Difficile de passer à autre chose après un tel monument !
Incluant "Eat That Question" disponible sur "The grand Wazoo", "Minimal Art" est un sommet divinatoire en termes de jazz. Tournant sur quelques accords,
cette jam instrumentale est un bonheur de tous les instants. A détricoter, ce puzzle va vous prendre un certain temps, mais disséquer ce morceau minute par
minute est un pur régal.
Jazz cool, "Blessed Relief" débute dans la douceur et s'y ancre définitivement. Augmenté de 2 minutes en regard de la version officielle de "The Grand Wazoo",
cet "outtake" est un très joli moment feutré qui donne des envies de s'accouder au bar. Musique de film par excellence, "Think It Over" fourbit ses cuivres et
fait défiler un générique jazz digne d'un long métrage de "L'inspecteur Harry". A mi-parcours, le jazz devient libre et s'autorise des digressions en tous
genres. Un titre donc qui rend encore plus attachant ce premier opus.
Ensuite vient "For Calvin" augmenté de 2 minutes par rapport à l'original. L'heure est à la déconstruction et à la reconstruction en de multiples phases.
Morceau complexe et alambiqué, "For Calvin" ne séduit pas d'emblée, mais plutôt par petites touches comme autant d'acceptations successives.
Difficile d'accès, il représente bien la frange expérimentale du Zappa en matière de free jazz.
La beauté à couper le souffle n'a pas dit son dernier mot. La version alternative "Waka/Jawaka" proposée ici mérite bien qu'on s'y attarde. Quand la trompette
élève le propos bien au dessus de la mêlée, le clavier donne de la voix pour attirer l'ensemble au sol. La guitare acoustique prend le relais et égrène son
message clair dans ce titre en formation ciel bleu. Emportées par ce mouvement ondulatoire, les presque 14 minutes de cette version passent en un éclair.
En rupture avec ce qui précède et d'une facture plus rock, "Cletus Awreetus-Awrightus" provoque aussi quelques frissons avec une tournure pop seventies qu'il
fait bon de réentendre.
Pour finir ce premier opus, écoutons encore "Eat That Question" tout simplement à tomber, dans une version de 11 minutes (contre 6 minutes en studio).
La partie solo clavier est une pure merveille de jazz seventies.
En conclusion, ce premier opus est une véritable tuerie et montre l'engouement des héritiers Zappa à proposer des choses de très haute qualité.
Disque 2
Ce deuxième volet reprend 5 morceaux des 9 proposés sur le premier disque en offrant un mix alternatif. Ce genre de remaniement a toujours du mal à
trouver sa légitimité, à moins d'écouter en parallèle les deux versions pour en apprécier les différents mixages.
La reprise des hostilités se fait avec "Big Swifty" dans une version de près de 15 minutes. Là aussi, l'aventure n'a pas dit son dernier mot et l'inventivité
reste de mise avec un mix différent de la version de l'opus 1, dont, comme évoqué précédemment, on a toutefois du mal à identifier les subtilités.
Peut-être encore plus barrée, peut-être à cause de ces cuivres qui n'en finissent pas d'expirer, ce mix alternatif de "For Calvin" cultive son côté
expérimental.
"It Just Might Be A One-Shot Deal" vaut surtout pour sa seconde partie, moins bordélique que la première et s'écoutant comme un bon vieux titre country rock
dans un non moins bon vieux "Diner" américain. Nous repartons ensuite pour un long voyage de près de 16 minutes avec un mix alternatif de "Waka/Jawaka",
où nous serons, une fois encore, bien infoutu de faire la différence avec l'autre.
Qu'importe.
La chose reste attrayante et passe comme un éclair.
Pour terminer cet opus 2, deux morceaux plutôt courts. "Cletus Awreetus-Awrightus" pris en flagrant délit de pop seventies et "Eat That Question" dans une
version plus proche de celle de l'album. La mayonnaise monte lentement jusqu'à cette apothéose de claviers tant attendue et qui fonctionne aussi bien en
version courte.
En résumé, un très bon opus 2 avec de longs morceaux qui prennent le temps de déployer tout le génie du moustachu.
Disque 3
Ce troisième CD cristallise l'amitié entre Zappa et George Duke, compagnon de route du moustachu et claviériste émérite s'il en est. Avec "For love",
George nous dévoile une partie de son savoir-faire en termes de groove classe. Clavier et cuivres s'y entendent à merveille. "Psychosomatic Dung" joue sur la
même corde soul avec une seconde partie plus jazzy. Ce morceau est par ailleurs à retrouver sur "Mystery Disc" paru en 1998.
Belle introduction solennelle au piano pour "Uncle Remus" qui trouvera une place en fin de disque sur "Apostrophe" en 1974.
Groove, faux airs de Stevie Wonder, un instrumental qui fleure bon les années 70. Suit "Love" à peu près dans la même veine et qui fait entendre quelques
paroles chantées. Zappa fait rugir sa wah-wah pour mieux tenter de démonter le groove, ce qui n'arrive pas.
Second tour de piste pour "For love" dans une autre version. Le groove y est toujours présent et les arrangements classieux aussi. A la touffeur du clavier
répond la brillance des cuivres et la guitare azuréenne du moustachu. Le solo de clavier de la 4ème minute est à écouter sans modération.
Un "Psychosomatic Dung" plus nébuleux suit, auréolé d'un mystère que la guitare du Zappa vient résoudre. Les 3 minutes n'y suffisent pas. Quelque chose de
plus consistant en termes de durée n'aurait pas été pour déplaire. On reste un peu sur sa faim. Terminons ce 3ème disque avec un morceau déjà entendu mais
issu de sessions différentes. "Love" qui double sa durée.
Enfin, plus difficile d'accès "Approximate" en mode free-jazz expérimental capté en live vient complexifier un propos qui jusque là, ne s'en portait que mieux.
Dommage d'avoir inclus ce titre qui n'a rien à voir avec la couleur soul et funk de ce troisième disque.
Retrouvons maintenant notre moustachu sur scène.
Disque 4
Zappa s'est produit le 15 décembre 1972 au Winterland Ballroom, San Francisco. Voici donc quelques titres de ce concert. Tout débute avec
"Winterland '72 Opening and Band Introductions". Près de 5 minutes où le groupe s'accorde et où Zappa présente les musiciens et ce qui va suivre.
La formation attaque d'emblée une grosse pièce d'artillerie avec "Little Dots", à retrouver aussi sur l'album du même nom
"Littles Dots" paru en 2106. Sur ce disque live, le titre était séparé en 2 parties distinctes ce qui portait sa durée à 24 minutes. Plus ramassée sur elle-même, cette version de moins de 19 minutes joue simplement sur deux accords. Le titre fait passer au tableau tous les instruments disponibles sur scène. Cuivres, guitare, trompette toute seule... La bande à Zappa livre une belle et grande pièce à déguster sur place.
Revenons maintenant à des portions musicales plus congrues avec "America Drinks", un jazz plus commun qu'il n'y parait.
Zappa se laisse une bonne minute de silence pour se remettre de ses émotions avant d'attaquer "Montana" qui atterrira aussi sur
"Over-Nite Sensation" en 1973, et 40 ans plus tard sur "A Token Of His Extreme" (2013).
Toujours aussi nonchalante, cette chanson vaut surtout pour sa partie centrale où un joli solo du moustachu égaille un peu la langueur voulue du propos.
Le petit morceau de 2 minutes figurant sur "Apostrophe" se transforme en géant de plus de 15 minutes. "Farther O’Blivion" donne la priorité aux cuivres et
ceci dès le début. En groupe ou de manière individuelle, chacun a quelque chose à dire. Cette longue litanie jazz, tantôt lente, tantôt rapide, inclut
également un beau solo de batterie.
Le blues de "Cosmik Debris" débarque sans prévenir, 2 ans avant d'atterrir sur "Apostrophe". Toute la tradition du blues est là. Jusqu'au solo qui enflamme la
scène du Winterland Ballroom histoire de garder la légende intacte.
Pour mettre un terme à ces plus de 4 heures en compagnie de Zappa, écoutons un "Chunga’s Revenge" d'anthologie. Que dire de plus que cette ambiance spéciale
instaurée par ce titre ? Jazz, rock, parfois blues, "Chunga's Revenge", qui dépasse les 18 minutes (contre 4 minutes en studio)
représente tout ce que Zappa savait faire. Une fois la trompette mise en sourdine, la guitare prend le relais aux alentours des 9 minutes. Elle nous
transporte jusqu'à la fin du morceau.
En résumé, ce "Waka/Wazoo" rejoint les petits trésors d'inédits que la famille Zappa nous permet d'entendre, deux ou trois fois par an.
Papa Zappa peut être fier de sa progéniture.